Séjour d’un Hussard

Un Hussard raconte

Le 1er novembre 1954, en Grande Kabylie et dans les Aures, des combats opposent militaires francais et fellaghas du FLN et de l’ALN. En 1956, les premiers 400 000 hommes ( appelés et rappelés ) prennent le bateau pour l’Algérie, pour aller pacifier le territoire algérien. La bas ou 30 000 militaires francais y perdront la vie.
Et c’est ainsi que le va et vient maritime s’instaure. Le Sidi-Bel -Abbés, le Ville d’Oran, le Ville de Marseille, le Kairouan et bien d’autres noms de bateaux transporteurs de troupes célebres seront les calvaires des  » trouffions  » embarqués dans des conditions qui ont beaucoup a envier au « club med ».
Ce récit commence un jour de janvier 1960.
Le pere Noel a glissé dans mes sabots une invitation au voyage dont je me serais fort bien passé. Mes premiers pas de trouffion (apres la visite d’incorporation de Vincennes pres de Paris) m’ont dirigé bon gré mal gré dans le département de l’Ain, dans une ville ou peut etre un village je ne sais, je n’ai pas eu grand loisir de visite.
La, le 8eme Régiment de Cuirassiers m’a accueilli les bras ouverts sans grande pompe et durant quatre mois je fus invité, au gite, au couvert, a l’animation « sportive »de cet ensemble de « vacances ».
C’est la que j’ai connu de bons copains, une chambrée de joyeux lurons insouciants et heureux de nos vingt ans. Nous étions tous dans le meme bain, les memes obligations, les memes activités de mise en forme voire de mise en condition, pour une releve ou un renfort de l’autre coté de cette mer qui nous a « brassé » durant trente six heures et fait découvrir les joies de la navigation.
Ce site de vacances militaires existe toujours et abrite d’autres armes:

La Valbonne (cliquer pour quelques photos souvenirs).

Que de souvenirs sont restés dans ma mémoire. Manoeuvres, maniements d’armes, le fameux parcours du combattant qu’il nous fallait parcourir comme des c..
Le soir a la fin de ces excercices, malgré la fatigue, l’ambiance était au plus haut.
Les talents de tireurs s’exprimaient au pas de tir. Ce n’était pas une corvée , l’apprentissage du maniement d’armes a certainement évité des accidents stupides lorsque, en Algérie, les balles des chargeurs faisaient parties du « barda » ; bien que j’en connais « un » qui en manipulant un révolver réduisit le nombre de ses doigts à quatre, encore heureux que les copains proches ne resterent que spectateurs!
Les blindés, leur découverte se fit sur la fin du séjour. La plus grande activité était le nettoyage du bahut apres de courts parcours d’initiation. Ce n’est que bien plus tard que le bruit du canon a étourdi les copains alentour tandis que dans la tourelle, celui caractéristique de la douille qui est éjectée concluait le tir fort précis de l’AMX.
Le séjour s’acheva trop rapidement et le moment cruel de la séparation arriva.
Au revoir mes copains, adieu pour sur, car nous serons disséminés sur la terre algérienne.
Une perm a la maison juste de quoi ficher l’angoisse aux parents et ami(e)s et me revoila avec ma valise métallique, achetée pour l’occasion, dans le train direction Marseille Ste Marthe: le DIM . Quelques heures de liberté pour voir la ville mais le camp de rassemblement des troupes reste un mauvais moment. ,
A l’aube, le Sidi Bel Abbés nous accueille dans ses flancs: une cabine louée a un débrouillard de marin ne servira qu’a garder nos valoches. Roulis tangage et autres mouvements détestables nous ferons passer le reste de la traversée sur le pont a admirer les dauphins a la proue du barlut et, la nuit venue,chaudement abrités de couvertures, obtenues je ne sais ou, a découvrir a l’horizon les lueurs des lumieres des Iles Baléares.
Au petit matin, les quais du port d’Oran se rapprochent devant nos yeux bouffis de sommeil, les regards scrutant vers la population, inquiets et curieux a la fois……………
Nous débarquons sur le port.
Des bahuts du type GMC nous attendent. On embarque et direction le centre de regroupement.
Là, les affamés, comme les autres se retapent l’estomac. Et le plumard les accueille. C’est marrant, y’a plus de roulis, y’a plus de tangage, ni le matelas, ni le plafond ne bouge. Le sommeil, malgré une angoisse bien évidente, nous rattrape et nous emmene dans des reves fantastiques et douloureux.
Le lendemain, voire le surlendemain, c’est le train qui nous emmene en direction du djebel déja  écrasé de soleil, il fait chaud, nous sommes en mai.
C’est drole, devant la locomotive, il y a un wagon plate-forme chargé, nous le saurons plus tard par les anciens:  » c’est contre les mines sur la voie férrée ».
Intimidés, memes les plus fanfarons, dans nos treillis, sans musique d’accueil, nous débarquons sous les yeux goguenards, amusés de notre allure, des anciens du camp  » c’est la releve les gars » et de crier « la quille bordel « …ouais, pour nous dans combien de temps? On le saura a nos dépends vingt quatre mois, voire trente mois plus tard.
Ou sont nos copains des quatre mois passés en France? Dispersés dans le djebel algérien dans quelle arme: la « Biffe » , »les Blindés »  » le Génie »  » les Trans » le saura-t-on un jour?
Et pourtant c’étaient les plus beaux moments malgré le parcours du combattant, les revues de ci, les maniement d’armes de la, les « perms » de 24 de 48 heures rarement au dela, les sorties en ville, ouais!!! Mais, soudain, nos yeux s’ouvrent et nous réagissons bien vite, on vient de recevoir un fusil dans les mains et surtout des cartouches, de vrais cartouches: bon sang les gars on y est en plein cette fois……..
Au bled , la chambrée..!!!!!
….Nous sommes la, avec notre sac de camping ( le sac paquetage qui nous suivra partout dans notre périple) il contient toute notre garde robe qui va du calot de sortie au calecon court en passant par « les rangers »; ces chaussures qu’il ne faudra pas oublier d’entretenir au risque d’en subir de graves conséquences, mais ça on le sait déja!!.
C’est un troupeau de petits soldats égarés la , au beau milieu de la cour de la ferme transformée en caserne, pas de grands batiments, un mas de Provence presque.
Si une grande partie de l’histoire de la Guerre d’Algérie écrite par nos ainés du contingent n’était pas présente a notre esprit, on pourrait croire que nous sommes arrivé en colonie de vacances, bien sur notre accoutrement laisse reveur de meme que l’environnement. Le soleil brille fort, la campagne ressemble a s’y méprendre au Midi. Le camp se situe dans l’Oranais, dans les montagnes proches de Sidi Bel Abbés. Le paysage est tout de meme moins verdoyant que l’Auvergne mais avec les vallons parfois aussi accentués, nous ferons connaissances en « opé », en embuscades ou toute autre randonnées pédestres!!.
Voila une premiere prise de contact avec ce qui sera notre horizon, notre vie de militaire de troupe en « maintient de l’ordre ».
La répartition des « jeunes recrues » est faite dans les pelotons; le copain de voyage, celui avec qui on a sympathisé se retrouve bien entendu dans un autre groupe qui n’aura que tres rarement les memes « loisirs » que nous. Quelques anciens nous aident a porter le sac de paquetage et nous font les honneurs de la piole.
Devant nous, surprise c’est le grand luxe!! .
……Les lits sont de toutes natures, du demi superposé au lit de camp, le sol ne connait pas la moquette, ni le parquet (tant mieux on ne se fera pas suer pour la corvée de piole ) tout simplement du beton.
Ouais, faudra bien s’y faire.
Généreusement un copain de chambrée nous tend un morceau de tissu, un sac? un drap de lit? non, la couleur ne va pas , c’est la housse du matelas enfin plutot de la paillasse. Nous sommes invités a aller la remplir a la grange voisine où quelques ballots de paille attendent depuis pas mal de temps. Il ne faudra pas trop la tasser cette paille, car les nuits risqueront d’etre plutot chavirantes!!. Un ancien nous indique la « dose  » exacte pour un confort maximum. Cette paillasse où nous passerons nos moments de solitude au milieu d’une chambrée, parfois trop bruyante, parfois trop silencieuse.
Un placard tres rudimentaire peint en bleu, servira de table de nuit . Elle gardera au milieu de quelques provisions de bouche recues dans un dernier colis: nos photos les plus précieuses qu’ aux moments de cafard nous regarderons en entrebaillant discretement la porte puis en la refermant lentement avec les souvenirs et l’amertume au coeur.
Au dessus de nous, l’étagere commune est équipée de deux solides crochets, ils supporteront pendant les périodes de fortes chaleurs les indispensables moustiquaires dont les trous éventuels seront rapidement raccomodés afin que ces affreux insectes que sont les moustiques ne viennent pas troubler la « quiétude  » de nos nuits  » de reves « . Une couverture, peut etre deux , nous protégeront du risque de coups de froid nocturnes sur nos corps en sueur . Coup de froid qui se soldent par des coliques douloureuses aux réactions urgentes et désagréables d’autant que les « tinettes  » sont trop éloignées pour effectuer le trajet sans le risque de remplir un treillis pourtant bien propre!!!! .
La corvée de soupe arrive, les plats creux en alu contiennent le repas du soir, le chef de piole, le plus ancien, « le Quillard « , nous alloue une place a la table commune , elle sera notre jusqu’au dernier jour dans cette contrée. Nos assiettes et ustensiles sont posés sur le métal de la table. Nous faisons comme si nous étions la depuis toujours et nous gouttons à la tambouille des cuistots en ralant de la mauvaise qualité.
n jour, je prendrais (contraint) leur succession aux cuisines, ce sera pareil !!!.
Notre premiere nuit dans le bled commence, elle sera suivie de biens d’autres, beaucoup d’autres, sur nos paillasses, a la belle étoile, dans des bahuts glacés, dans les postes de garde transis de froid ou ….de peur.
La vie au camp:
Notre escadron, le premier ou escadron Delafenetre, du 9eme régiment de Hussards fort de 150 a 180 hommes; gradés compris est établi au milieu du Col de Bossuet dans une ancienne ferme dont nous occupons les batiments, tout pres de Sidi-Bel-Abbés, avec La Légion Etrangere: la référence, et l’admiration de ce corps d’élite.
Notre role: maintenir la sécurité de la route qui se dirige sur le désert. Si la guerre n’avait pas été pas la , c’eut été de belles vacances!!!.
Nos armes: au début de mon séjour, nous avons des Schaffees armés d’une mitrailleuse 12,7 sur la tourelle, 2 mitrailleuses de 30,une au canon et l’autre au copilote. Les servants au nombre de 4 un chef de char, un pilote, un copilote et un tireur: j’étais tireur. Pour les opés, et durant le trajet, le bruit était infernal et nos adversaires n’ont pas besoin de coller l’oreille au sol pour connaitre nos effectifs!!!.
Un obusier  » bubuss  » drole de machine!! qui est la plutot pour la déco.
Des half-track avec la mitrailleuse de tourelle une 30 ou une 12,7 .
Plus tard nous recevrons des AMX. ah!, ils sont rapides, maniables, mais nous ne sommes pas rassurés en opés au milieu dela foret dense et boisée le canon de 75 est d’une telle longueur qu’il dépasse le chassis du char et pour le manoeuvrer pas question. Il butte contre les arbres et fini la rotation!.Aussi, le Pistolet Mitrailleur individuel (une trentaine de cartouches dans le chargeur) est a portée de mains en cas de coups dur. Heureusement le monstre d’acier (13 tonnes) impressionne nos adversaires et nous n’avons pas eu d’accrochage dans ces conditions.
Le traditionnel emploi du temps du militaire en Algérie: l’appel, les pluches, les opés par bouclage avec les biffins (l’infanterie) qui rabattent sur nous et ne nous font pas fete. Nous sommes « les planqués » . C’est sur et nous n’y pouvons rien. Quelques fois une rasade de biere en calme quelques uns et notre bahut sert de taxi.
Mais bien souvent le char reste au camp et nous voila parti en bahut comme nos copains biffins et nous allons arpenter le djebell a la recherche des « felhouzes  » quelques uns termineront leur rebellion; devant nous, sous les balles du FM ou du PM. Un ancien, un quillard qui fait du « rab »; voit a quelques pas de lui un fuyard, il tire. Le résultat bouleversera le copain de chambrée: c’est une femme, une jeune femme jolie, une infirmiere. Nous en gardons encore ce terrible souvenir.
Le plus dur et redoutable ce sont les embuscades: merde, je suis d’embuscade ce soir, merde.
La trouille nous suit dans la pénombre, elle nous rejoint, nous rattrape. Le copain, devant, marche en silence aux aguets, attentif. Un ordre bref qui va de bouche a oreille faiblement et c’est la mise en position, caché au plus profond d’un buisson, ou a l’abri des balles mortelles derriere un rocher. Le djebell est devant nous, dans la nuit noire comme de l’encre, ou bien, une clarté lunaire déforme les silhouettes a les rendre mobiles. Les yeux équarquillés cherchent en vain un repere. Un coup d’oeil au copain proche et sur les aiguilles phosphorescentes de la montre « combien de temps encore? » .Une nuit, une centaine de « fells » passe ront devant nous, Aucun son ne sort de la gorge hyper serrée, les doigts vont automatique a la détente du PM meme les plus costauds ferment leur gueule: trop risqué, et bien content de rentrer retrouver la chambrée et les copains avec un soupir de soulagement, presque rassurés, mais la nuit risque d’etre agitée dans nos reves.
la garde….
La garde! la aussi, la trouille tient éveillé, (peut etre pas tous), juché sur le char, le half-track ou au poste principal a l’entrée, les yeux fouillent la nuit pour découvrir le moindre mouvement, l’hombre suspecte qui bouge.Une activité qui n’enchantait aucun de nous. Pourtant, ceux qui tranquillement , en confiance restaient au campement a vaquer aux traditionnelles « obligations » comptaient sur celui qui, désigné, occupait le poste de surveillance stratégique..
Souvent , au loin des lumieres douteuses sautillaient dans la nuit noire. Le « tacatac « de la mitrailleuse résonnait sinistrement alarmant les copains au ciné du foyer. Le boss arrivait pour constater l’émoi de la sentinelle.
De guerre lasse il fallut par la suite aller au résultat; le calme revint soudain la nuit!
Un honneur celui d ‘enfiler la tenue de sortie pour aller a Oran monter la garde au Général Gambiez.
Le gite de la caserne ne faisait pas d’envieux mais plutot les factions a l’entrée ou les jolies filles se déhanchaient en passant devant nous . Nous n’avions que les yeux pour réver!!!
Bien entendu il y avait moyen de prendre du plaisir . D’aucuns se dirigeaient vers la rue des Acqueducs, d’autres préféraient les plages de sable de la méditéranée.
Les Cent derniers jours a tirer étaient marqués par un début de soulagement: enfin le calendrier passait a deux chiffres….
Puis ce fut ce 19 mars qui mit un point final aux tourments et angoisses. Du haut de la tourelle du char désarmé nous assistions aux manifestations de joie du peuple algérien. Qu ‘étions nous venus faire ici puisque la conclusion était la . Avec notre baluchon, sur le pont du bateau, nous regardons s’éloigner le port, cette terre que peut etre un jour nous foulerons en amis sans crainte.

R . B.

1 thought on “Séjour d’un Hussard

  1. je vois que nombreux de chez vous viennent de la ferme Bossuet ça été mon premier poste en octobre 1960 apres çe fut la grande vadrouille la ferme Eolienne , la frontiere marocaine ensuite le Khemis pour finir a Oran a Eckmul dans des hangars ou ont pelaient de froid et apres sous la tente maintien de l’ordre et patrouille toutes les nuits a travers la ville j’etais pilote AMX 13 les derniers que nous avons touchés etaient modifiés tourrelle M 24 sur chassis AMX ils etaient plus legers et ont gagnait en vitesse et maniabilité dans les rues d’Oran c’etait appreciable nous avons aussi logés pas mal de temps sur le port d’Oran tout au fond dans les batiments de la marine nous avons embarqués le 17 ou 18 mars pour le voyage de retour a 1 heure du matin a la base de Mers el kebir entre 2 haies de CRS retour pas tres glorieux !!!!! il fallait jeter ses munitions dans une grande caisse a la passerelle de nouveau mer demontée !!!puis le train avec nos armes jusqu’a REIMS pour finir le lendemain,a mourmelon le petit !! peut etre que certains se reconnaitrons !!!! amicalement

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