Parler de « matériel roulant » pour évoquer les Compagnies Muletières en Algérie peut sembler incongru. Nous n’avons pas voulu changer le titre de la rubrique pour autant. Cette Arme du Train était en Algérie la « bonne à tout faire », transports de personnels, de marchandises, d’armes et de munitions, dépannages de véhicules, gardes, patrouilles, police militaire, embuscades de nuits, évacuation de blessés, les Compagnies Muletières…
Dans le matériel que nous voyons habituellement tous les mois dans L’Ancien d’Algérie, les mulets duTrain ont leur place. Lorsque les GMC s’arrêtent au pied des chemins escarpés dans la montagne ce sont les Compagnies Muletières qui prennent le relais.
Voici la formation que subissaient les apprentis muletiers à la FRAMu, (Formation Rationnelle Accélérée des Muletiers) sur le site du CIT 160 de Beni-Messous.
Engendré d’un âne et d’une jument, le mulet est plus sobre et résistant que le che-val. Il est apprécié pour sa force, sa frugalité, sa patience et sa longévité.
Animal silencieux, capable de porter des charges de plus de 100 kg, il marche sur tous les terrains, par tous temps, de jour comme de nuit, à une allure de 5 km/h.
 
Voyons la formation de Paul Marin au CIT 160.
Commandement du Train et Direction des Transports Mémento sur l’emploi du mulet de bât .
Harnachement des mulets de bât.
Le harnachement comprend :
– une garniture de tête avec son collier d’attache et son bridon sert à attacher le mulet et à le conduire
– le bât, modèle 1876, est destiné au transport des fardeaux. Il sert de point d’appui pour leur arrimage et permet de répartir convenablement leur poids sur le dos du mulet. En principe chaque bât doit être affecté à un mulet.
– la matelassure doit être parfaitement adaptée au dos du mulet. Il est donc interdit de modifier le rembourrage, seul un gradé qualifié peut modifier le rembourrage.
– la couverture, immédiatement en contact avec le dos de l’animal, doit être l’objet de soins attentifs. Brossages réguliers, après le travail l’ex-poser à l’air et autant que pos-sible au soleil si elle est mouil-lée ou imprégnée de sueur.
– la sangle sert à fixer le bât sur le corps du mulet. Elle doit être tenue très propre et ne doit jamais traîner à terre.
– le harnais de bât avec le poitrail qui sert à empêcher le bât de glisser en arrière et la fossière ainsi que la croupière qui servent à empêcher le bât de glisser en avant.
Soins après le travail :
– enlever le bât et la couverture.
– tapoter le dos à l’emplacement du bât puis le masser avec la paume de la main pour rétablir la circulation du sang et éviter les boursouflures.
Soins journaliers:
Si le mulet revient du travail, attendre qu’il ne transpire plus. Le brosser avec la brosse en chiendent de haut en bas sur le corps et les membres pour enlever le plus gros des impuretés. On peut aussi employer directement l’étrille sur les parties charnues seulement. Utiliser l’étrille de la main gauche, les dents en dessus et la brosse en soie de la main droite. Chaque coup de brosse se donne d’abord à rebrousse poil. La brosse est ensuite passée sur l’étrille. Brosser d’abord la tête puis l’encolure tout le côté gauche puis le côté droit de l’animal.
– Curer les pieds en enlevant avec la curette en bois, les cailloux, terre et détritus pouvant s’y trouver.
– Laver les paturons puis les sécher soigneusement pour éviter les gerçures et les crevasses.
– Laver avec l’éponge les organes délicats : yeux, naseaux…
Soins particuliers:
– Pendant la saison froide il y aura toujours intérêt à couvrir le mulet avec la couverture tant que celui-ci est en transpiration.
– Les membres du mulet doivent être vérifiés chaque jour. Les blessures et boiteries doivent être signalées au maréchal-ferrant ou au vétérinaire.
– La ferrure doit être refaite tous les mois même si le fer n’est pas usé.
La nourriture:
Elle doit être une préoccupation constante du personnel muletier et particulièrement des grades.
En conséquence veiller :
– à l’abreuvoir,
– en stationnement, trois fois par jour : la matin, le midi, le soir avant la rentrée aux écu-ries,
– en marche, chaque fois que la chose est possible. Rechercher une eau claire et limpide. Lanimal refusera une eau souillée.
– L’alimentation en stationnement : avoine ou orge de préférence germée et paille.
– Rations journalières :
– avoine ou orge : 4,250 kg, -paille : 5 kg.
– Lalimentation en marche : orge ou avoine seulement, 5 kg par jour. Rechercher cependant chaque occasion de donner de la paille.
Le mulet ne se plaint jamais même s’il est fatigué ou s’il a faim.
Les chargements:
– La charge utile maximum pour un mulet est de 100 kg en plaine et de 80 kg en montagne.
Qualités d’un bon chargement
– Etre équilibré (charge égale des deux côtés du bât).
– Etre peu élevé de manière à ne pas osciller.
– Bien fixé au bât à l’aide d’un arrimage solide et ne pas toucher le mulet.
– Lors du chargement, le mulet doit être placé droit, attaché ou tenu par un conducteur.
– Le chargement est effectué par 2 hommes placés de chaque côté. Les bagages sont placés en même temps sur chacun des étriers du bât.
Conduite des mulets:
Les mulets seront chargés au dernier moment.
En ordre de marche ils seront : – en file sur le côté droit du chemin, rarement en colonne par deux,
– en montagne le conduc-teur se tient côté ravin et dans un sentier droit, il précédera l’animal.
Conducteur muletier:
– N’abandonne jamais ton mulet sous aucun prétexte, ne t’appuie pas sur son chargement, ne monte pas sur le bât si ton mulet est chargé.
– Si ton mulet s’abat, empêche le de se relever avec son chargement, débâte et rebâte lorsqu’il est relevé. En montée comme en descente, laisse ton mulet choisir sa route.
– Lors d’un passage d’un gué ou d’une rivière, empêche le mulet de boire ou de se coucher.
– Pendant la marche, conserve toujours ton arme sur toi.
– Si ton mulet est en bon état de santé, il peut porter sans efforts 120 kg (bât et charge) et avec ce poids, il est capable de faire chaque jour des étapes de 25 à 30 km même en pays accidentés.
Une anecdote de Paul Marin au cours de sa formation de muletier à la FRAMu. « Au cours d’une inarche, l’adjudant muletier avait eu une idée de génie, mettre toutes les munitions dans la même musette attachée sur la courroie de surcharge d’un mulet. Une fois dans le bled, un camion a effarouché le mulet qui portait les munitions, il s’est débarrassé de son conducteur, nous étions alors en pleine nature avec nos MAS 36 mais sans munitions, et avec une bonne trouille. Pour récupérer le mulet il nous a fallu un certain temps et le « margis » qui était à cheval a pris un grand coup de sabot dans la figure ».
Après sa formation de muletier, le conducteur Paul Marin se retrouve affecté… à la Police Militaire de Constantine ! Quant à Maurice Du bois qui a passé ses permis VL, PL et moto à Beni-Messous, il est muté dès son arrivée au 25° ET à Constantine, à la Compagnie Muletière détachée au Demi RAC à Périgotville, qui avait une batterie au Mont Bâbord. Maurice devient responsable de deux « brêles », animaux qu’il n’avait jamais vu auparavant. Ce sont deux muletiers FSNA présents qui lui font sa formation de muletier.
La mission de la Compagnie Muletière consistait chaque fois que le 1/2 RAC partait en opération, à transporter la nourriture en boîtes de ration, l’armement, mortier, obus, caisses de munitions, couvertures, la nourriture pour les mulets.
Les GMC transportaient les mulets au plus près des sentiers muletiers. A son arrivée au peloton muletier, Maurice a touché un mousqueton et 60 cartouches. Ensuite, un MAS 36 CR39 à crosse alu pliante a remplacé le Lebel d’un autre âge. Maurice Dubois a terminé son temps d’appelé le 15 mars 1957 avec le grade de maréchal des logis et la Valeur Militaire. Les dernières Compagnies Muletières de l’Armée française ont été utilisées en Algérie de 1955 à 1962.
Michel Duparet
Contact : Michel Duparet
 

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